Home Thema Antennes paraboliques

Antennes paraboliques

par admin
Print Friendly, PDF & Email
image_print

Avec l’accroissement du flot migratoire ces dernières décennies, les traditionnels géraniums sur les balcons des immeubles, bien helvétiques, ont fait place à d’immenses plantes lunaires, blanches ou brunes, d’un genre nouveau : les antennes paraboliques. Celles-ci permettent de capter, via satellites, les programmes de télévision du monde entier.

Cependant, la réception TV via Internet (téléréseau ou Bluewin TV), la tendance devrait s’inverser.

Il est indéniable que leur présence constitue un enlaidissement des façades, à tel point que, au début, les administrateurs d’immeubles et les régies en ont interdit la pose, se basant sur les dispositions du Code civil, art. 712 a al.2 : « Le copropriétaire a le pouvoir d’administrer, d’utiliser et d’aménager ses locaux dans la mesure où il ne restreint pas l’exercice du droit des autres copropriétaires, n’endommage pas les parties, ouvrages et installations communes du bâtiment, n’entrave pas leur utilisation ou n’en modifie pas l’aspect extérieur ».

La doctrine en la matière est lacunaire. On trouve cependant chez Amadeo Wermelinger, « La Propriété par étages » éd. 2008, p.149-150 la citation suivante: « ….L’antenne parabolique fixée sur la partie intérieure d’un balcon ou sur une façade influence de façon plus importante l’aspect du bâtiment. C’est pourquoi elle ne peut que rarement être exclusive. Dans la mesure où cette antenne peut constituer une partie exclusive, son installation, son déplacement ou sa modification est soumise aux art. 647c ss (CC), dans la mesure où son installation donne lieu à un travail de construction portant sur une partie commune. ». A notre avis, si l’antenne n’est pas visible de l’extérieur (par ex. posée sur le sol et ne dépassant pas le barrière du balcon), celle-ci devrait être admise .

A une certaine époque, les communes ont également réagi en édictant des règlements très limitatifs.

Certaines régies interdisent expressément à leurs locataires de procéder à la pose d’une antenne parabolique, en incluant une clause dans le bail à loyer.

Ces dispositions restrictives étaient, jusqu’à présent (voir décision du TF du 14.08.2012), affaiblies par les textes législatifs, la Constitution fédérale et les législations européennes, ratifiées par la Suisse. « L’interdiction d’installer des antennes de télévision – paraboliques ou non – peut, dans des cas bien déterminés, violer le droit fondamental des individus à accéder à l’information. Si l’approvisionnement existant ne permet pas aux personnes intéressées de voir des programmes de télévision de leur patrie, il n’est pas exclu qu’elles puissent se prévaloir de ce droit fondamental, du moins vis-à-vis d’une autorité étatique. Il n’est toutefois pas certain que cette liberté d’information puisse être invoquée à l’encontre de privés et donc au sein d’une propriété par étages» (Amadeo Wermelinger op. cité plus haut).

Nous reproduisons ici les textes de loi concernés :

Loi fédérale sur la radio et la télévision (24 mars 2006)

art. 66 : Liberté de réception
Toute personne est libre de recevoir les programmes suisses et étrangers destinés au public en général.

art. 67 : Interdictions cantonales d’installer des antennes

  1. Les cantons peuvent interdire l’installation d’antennes extérieures dans certaines régions aux conditions suivantes :
    a) la protection du paysage, des monuments et des sites historiques ou naturels l’exige ;
    b) la réception des programmes qui peuvent être habituellement dans la région est garantie à des conditions acceptables.
  2. L’installation d’antennes extérieures permettant de recevoir des programmes supplémentaires est autorisée à titre exceptionnel si la réception de ces programmes présente un intérêt qui prime la nécessité de protéger le paysage et les sites.

Constitution fédérale

art. 16 : Libertés d’opinion et d’information

  1. La liberté d’opinion et la liberté d’information sont garanties.
  2. Toute personne a le droit de former, d’exprimer et de répandre librement son opinion.
  3. Toute personne a le droit de recevoir librement des informations, de se procurer aux sources généralement accessibles et de les diffuser.

art. 36 : Restriction des droits fondamentaux

  1. Toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés.
  2. Toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui.
  3. Toute restriction d’un droit fondamental doit être proportionnée au but visé.
  4. L’essence des droits fondamentaux est inviolable.

Décisions du Tribunal fédéral

Conclusion de l’arrêt du 6 avril 1992 (AC 7420/7432) :

La liberté d’information, élément indispensable à l’exercice de la liberté d’expression, garantit notamment la liberté de recevoir et de communiquer des informations et des opinions sans intervention des autorités. Elle porte aussi bien sur le contenu des informations que sur les moyens de leur captage.

Dans la mesure où la pose d’antennes paraboliques est susceptible de nuire à l’esthétique des bâtiments, un intérêt public à légiférer sur les conditions de leur admissibilité doit être reconnu.

La norme qui, pour des motifs d’esthétique, interdit toute pose d’antenne parabolique sur tout immeuble pouvant être raccordé au téléréseau, viole le principe de la proportionnalité. Le législateur communal (défendeur en l’espèce, note ef) pourrait tout aussi bien atteindre le but qu’il s’est assigné par une mesure moins incisive.

Conclusion de l’arrêt du 4 février 1994 (AC 120 IB 64) :

Des dispositions de droit communal constituent une base légale suffisante pour limiter la liberté de l’information.

L’aspect du centre du village de Küttingen, en tout cas dans le quartier habité par le recourant, remplit les conditions de l’art. 53 al. 1 let. a LRTV*, qui permet aux cantons de protéger le site bâti en interdisant les antennes extérieures.

Les exigences de l’art. 53 al. 1 let. b LRTV* en matière de réception des programmes sont satisfaites lorsque le raccordement à un réseau câblé permet la réception de 21 chaînes de télévision.

Jugement du 14 août 2012: installation d’une antenne parabolique – interdiction réglementaire

* Note de l’Agence Imalp : ancienne loi

La Convention (européenne) de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales, du 4.11.1950, ratifiée par la Suisse le 28.11.1974, garantit en son art. 10, entre autres « …la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées, sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».

Quant à la Convention européenne sur la télévision transfrontière du 5 mai 1989, entrée en vigueur le 1er mars 2002, signée par la Suisse le 5 mai 1989, garantit la liberté de réception et de retransmission de programmes de télévision dans les Etats partie.

En résumé

  1. La pose d’une parabole sur le balcon d’un appartement, non pourvu d’un téléréseau ou d’une antenne collective du bâtiment, diffusant les programmes permettant à son habitant de recevoir les informations de son pays, est autorisée.
  2. Dans un but esthétique, les Règlements internes (Règlement d’administration et d’utilisation ou simple Règlement d’immeuble, décidé en assemblée des copropriétaires) peuvent interdire l’installation d’une antenne parabolique. Cas échéant, ils peuvent exiger que, dans la mesure où la qualité de la réception des programmes est satisfaisante, qu’elle soit posée à l’intérieur du balcon, p.ex. au sol.
  3. Une interdiction faite au locataire (se trouvant dans la situation cité plus haut), par le propriétaire ou la régie, de poser une antenne parabolique peut se justifier si celui-ci a la possibilité d’accéder aux informations en provenance de son pays par d’autres canaux.

Ceci pourrait également vous intéresser